Enseignement / apprentissage du français langue étrangère et théorie de Vygotsky

La théorie socioculturelle de Vygotsky : une approche clé pour l’enseignement des langues

Les travaux de Lev Vygotsky (1934) constituent aujourd’hui une référence incontournable dans le domaine des théories du développement cognitif chez l’enfant. Sa théorie socioculturelle offre un cadre particulièrement pertinent pour comprendre l’apprentissage des langues et peut profondément influencer nos pratiques pédagogiques.

Les fondements de la théorie socioculturelle de Vygotsky

Pour Vygotsky, le développement cognitif de l’enfant est intrinsèquement socioculturel. Il s’agit d’un processus profondément influencé par l’environnement social dans lequel l’enfant acquiert les perspectives et croyances propres à sa culture, et développe ses stratégies de résolution de problèmes. Ce développement se réalise principalement à travers le dialogue avec des personnes plus expertes de son entourage.

« L’apprentissage est un aspect nécessaire et universel du processus de développement des fonctions psychologiques spécifiquement humaines, culturellement organisées. » – Vygotsky

Contrairement à Piaget qui minimise l’influence du contexte social, Vygotsky place l’interaction sociale au cœur du développement cognitif. Là où Piaget considère que le développement relève du constructivisme cognitif individuel, Vygotsky défend une approche de constructivisme social.

Langage et pensée : une relation fondamentale

Selon Vygotsky, pensée et langage sont initialement deux systèmes séparés qui fusionnent vers l’âge de 3 ans, donnant naissance à la pensée verbale ou « langage interne ». Le développement cognitif résulte largement de cette internalisation du langage, qui structure la pensée.

Cette vision souligne l’importance du langage dans l’apprentissage : c’est à travers le dialogue avec l’enseignant ou des personnes plus « avancées » que se construit la connaissance.

Des fonctions mentales élémentaires aux fonctions supérieures

Vygotsky propose que les enfants naissent avec des capacités de base pour le développement intellectuel, qu’il nomme « fonctions mentales élémentaires » :

  • L’attention
  • La sensation
  • La perception
  • La mémoire

À travers les interactions avec son environnement socioculturel, l’enfant transforme ces fonctions mentales élémentaires en processus mentaux plus sophistiqués, les « hautes fonctions mentales ». Chaque culture offre à ses enfants des outils d’adaptation intellectuelle spécifiques.

La diversité culturelle dans les stratégies d’apprentissage

Un exemple frappant concerne la mémoire : dans notre culture occidentale, on apprend aux enfants à prendre des notes, écrire et recopier pour mémoriser. Dans d’autres sociétés, notamment « pré-littéraires », les enfants développent des stratégies mnémoniques différentes.

Cette perspective est essentielle dans l’enseignement du Français Langue Étrangère (FLE). Les apprenants arrivent avec des stratégies cognitives diverses, façonnées par leur culture d’origine, qui peuvent différer considérablement de ce que le système éducatif français attend d’eux.

Applications concrètes en classe de FLE

Cas des élèves de cultures diverses

Prenons l’exemple d’élèves de culture rom ou d’apprenants issus de systèmes éducatifs anglo-saxons. Il serait contre-productif de simplement leur « imposer » notre système scolaire sans tenir compte de leurs stratégies d’apprentissage préexistantes. Un travail préliminaire est nécessaire pour les aider à développer des approches adaptées aux attentes de l’école française.

Gestion des relations interculturelles en classe

La théorie de Vygotsky nous aide également à mieux appréhender le « vivre ensemble » en classe de FLE. Lorsque des élèves proviennent d’ethnies différentes ayant des histoires potentiellement conflictuelles, la simple disposition spatiale en classe nécessite une réflexion approfondie. Ignorer ces dynamiques relationnelles pourrait créer des tensions qui entraveraient l’apprentissage.

Les concepts clés de Vygotsky pour l’enseignement des langues

Selon Vygotsky (1978), les apprentissages les plus significatifs se produisent à travers l’interaction sociale avec un tuteur compétent, capable d’adapter son comportement et de fournir des instructions verbales appropriées dans le cadre d’un « dialogue collaboratif » ou « dialogue coopératif ».

Cette vision nous amène à deux concepts fondamentaux dans la théorie vygotskienne :

  1. The More Knowledgeable Other (MKO) – La personne plus experte
  2. The Zone of Proximal Development (ZPD) – La zone proximale de développement

Ces concepts constituent des outils précieux pour repenser nos approches pédagogiques dans l’enseignement des langues, en plaçant l’interaction sociale et la médiation culturelle au cœur du processus d’apprentissage.

Conclusion

La théorie socioculturelle de Vygotsky nous offre un cadre riche pour comprendre comment les apprenants de langues construisent leurs connaissances à travers des interactions sociales culturellement situées. Elle nous invite à reconnaître et valoriser la diversité des approches d’apprentissage, tout en créant des ponts pour aider les élèves à s’adapter aux exigences de nouveaux contextes éducatifs.

Pour les enseignants de FLE, cette perspective rappelle l’importance de créer des environnements d’apprentissage collaboratifs qui prennent en compte les bagages culturels des apprenants, tout en les guidant dans leur zone proximale de développement.

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