Pourquoi les Français n’ont pas de « French dressing », et comment un cours particulier vous aidera à le comprendre

Il y a plusieurs années de cela, je donnais des cours particuliers à une expatriée américaine, que je nommerai Susan pour l’occasion. Susan était arrivée en France depuis quelques mois. Elle était là pour la carrière de son mari et s’occupait de sa famille. Susan s’accommodait comme elle le pouvait de cette nouvelle aventure, qu’elle n’avait pas franchement voulue, mais qu’il lui faudrait bien accepter (ou subir ?) pour les 3 prochaines années de sa vie.

Nous passions pas mal de temps à décrypter la culture française, à expliquer les habitudes, les façons de faire. Je faisais l’interprète des mots écrits par la maîtresse de ses fils, je l’aidais à rédiger des réponses ou encore à déchiffrer les courriers cryptiques de son assurance.

Et un jour, au milieu d’une activité (je ne sais plus du tout laquelle), Susan explose et me lance en anglais : « Je ne comprends pas. Pourquoi vous n’avez pas de « French dressing » en France ? J’en ai cherché de partout et je n’en trouve nulle part, c’est insupportable. Moi j’aime la « French dressing ». »

Intriguée, je demande à Susan ce qu’elle entend par « French dressing », pourquoi c’est de toute évidence un tel problème dans sa vie. Et Susan explose une deuxième fois et me raconte, en anglais, qu’elle est désespérée, qu’elle a fait le tour des supermarchés, qu’elle a cherché, cherché et cherché de la « French dressing » et qu’elle n’en trouve pas. Qu’elle ne sait pas trop quoi mettre sur sa salade et qu’elle mange moins de salade. Et elle m’explique sa situation pendant encore cinq bonnes minutes.

Si je prends le temps de vous raconter cet « incident », c’est parce qu’il est très révélateur de beaucoup de choses qui se jouent quand on est dans une nouvelle culture et que l’on est en situation d’apprentissage, tant sur le plan linguistique que culturel.

Susan est perdue parce qu’elle ne se sent pas à l’aise dans sa nouvelle vie. Elle n’a pas très envie de se remettre à étudier pour apprendre une nouvelle langue, elle n’a pas que ça à faire, elle doit gérer sa maison, sa famille, ses deux jeunes enfants. Elle est loin du reste de sa famille, de ses amis, de sa culture, elle se sent isolée et est confrontée à des choses qu’elle ne comprend pas.

Cette situation n’a hélas rien de très exceptionnel quand on est expatrié(e), surtout dans les premiers temps. Et c’est là qu’un cours particulier prend tout son sens et a beaucoup de valeur.

Ce qui se joue à ce moment du cours, lorsque Susan explose au beau milieu d’une activité de langue française, c’est l’expression d’un ras-le-bol interculturel, d’un trop-plein d’incompréhensions et d’un trop gros fardeau à porter. Susan ne comprend pas ce qui est autour d’elle et elle en a littéralement marre. Elle n’en peut plus, elle n’en veut plus.

Ici, le cours particulier offre ce cocon, cette bulle, dans laquelle l’étudiant est au centre du cours, l’apprenant a toute l’attention de son enseignant. Le cours particulier laisse de l’espace pour s’exprimer, même sur des sujets apparemment absurdes, anodins ou inutiles. Ou tout du moins des sujets qui pourraient paraître absurdes à d’autres personnes, mais qui sont au centre des préoccupations d’une personne, à un moment donné de son expérience.

Si nous avions été dans un cours de groupe, je doute que Susan ait eu la même attitude. Elle a explosé et a raconté ce qui lui pesait, parce qu’elle savait qu’elle aurait un espace pour le faire. Elle savait que personne ne la regarderait avec un petit sourire moqueur pour son histoire de sauce salade, ni que personne ne mettrait de pression pour continuer l’activité en cours. Elle savait qu’elle avait un espace qui lui était réservé, pas seulement en tant qu’étudiante, mais en tant qu’être humain, avec ses forces et ses faiblesses.

Et effectivement, Susan ne s’était pas trompée, le fait d’être en cours particulier a permis une reconfiguration du cours initialement prévu pour répondre à cette question. Nous avons pu poser son problème sous plusieurs angles et cela a pris du temps mais a été un excellent vecteur d’apprentissage :

  • Nous nous sommes mises d’accord sur ce qu’elle entendait par « French dressing ».
  • Nous avons fait un point culturel qui lui a permis de prendre du recul et de réaliser qu’en France, une « French dressing » avait de fortes chances de s’appeler uniquement « dressing » et que du coup, il valait mieux connaître le mot français pour « dressing », parce que le vendeur du supermarché ne comprendrait pas forcément le mot anglais.
  • Nous avons fait un grand pas en compréhension interculturelle. Susan a mieux compris quels filtres culturels elle appliquait. Ce qui est étiqueté « français » dans sa culture d’origine ne sera pas explicitement nommé « français » en France puisque cette valeur est implicitement véhiculée. Par contre, on nommera du « fromage italien », de la « charcuterie espagnole »…
  • J’ai fait un grand pas en ayant le temps de comprendre quelles étaient les représentations de Susan, dont certaines m’avaient échappé jusque-là.
  • Susan a progressé en français, elle a appris comment dire « French dressing » en français. Nous en avons également profité pour réviser comment demander en français : « s’il vous plaît, je cherche de la sauce XXX, est-ce que vous en avez ? »….
  • Elle a eu l’opportunité d’une expression authentique pour expliquer la situation, la comprendre et trouver une solution (une fois calmée Susan a pu revenir au français).
  • Nous avons fait une petite plongée interculturelle concernant l’organisation des magasins, les différents rayons. Bref, tout ce qui pourrait aider Susan à trouver les produits dont elle avait besoin, et qui était loin d’être anodin, puisque c’est elle qui avait la charge de s’occuper de sa famille.

Ce que je présente ici peut paraître relativement léger, mais il faut bien garder à l’esprit que dans le cas présent, Susan est déjà en France. Elle est confrontée chaque jour à des choses auxquelles elle doit faire face et qu’elle ne comprend pas. L’aider non seulement d’un point de vue linguistique mais aussi interculturel et pragmatique est essentiel pour l’aider à se sentir mieux dans sa vie d’expatriée.

Et aider Susan à se sentir mieux contribue à lui faire prendre confiance, en elle, en la relation que nous avions dans notre cours, et au final à être plus ouverte et réceptive face à l’apprentissage du français.

Il aurait été hautement dommageable pour Susan, et pour notre relation pédagogique, de continuer le cours, de s’entêter à continuer l’activité en cours.

Mais attention, je ne dis pas que toutes les interruptions permettent une digression. C’est à l’enseignant de voir si elle rentre dans le cadre des urgences interculturelles (ou des urgences linguistiques), ou si le sujet peut être traité plus tard.

Un cours particulier permet un décryptage interculturel et un apprentissage linguistique vraiment adaptés à l’étudiant. Il offre l’opportunité de parler de sujets qui concernent réellement l’étudiant, car chaque situation est unique. La situation de telle personne n’est pas celle d’une autre personne. Dans le cas présent, les soucis de Susan sont bien réels pour elle, alors qu’ils peuvent paraître mineurs voire risibles pour d’autres personnes.

Dans un cours de groupe, l’enseignant ne peut pas s’appesantir sur les petits soucis de chacun. Le groupe est la priorité. Et de ce fait, la progression linguistique, les objectifs à atteindre, la session à boucler sont également les priorités de l’enseignant. Le respect du groupe, le respect des autres, le respect de la progression sont les priorités des étudiants. Et avec ces diverses priorités, on ne peut que se maintenir dans une zone neutre qui conviendra à tout le monde (mais qui ne sera réellement adaptée à personne au final).

En résumé :

  • Mesdames, messieurs les DRH, si vous souhaitez que vos expatriés réussissent leur mission en France, donnez-leur l’opportunité de suivre des cours particuliers, ils en retireront d’énormes bénéfices, et pas seulement du point de vue de la langue française.
  • Mesdames et messieurs les expatrié(e)s, si vous voulez progresser rapidement, trouver des solutions à ce qui vous complique la vie, avoir des cours réellement adaptés à votre situation, un cours particulier est la meilleure solution pour vous. C’est le meilleur investissement que vous pourrez faire pour vivre pleinement votre expatriation.

Je vous en dis plus sur mes cours particuliers par ici.

1 Commentaire

  1. Un excellent article, merci beaucoup ! Imaginez que pour moi le French dressing c’était le placard, quand je cherchais mon premier logement en France (en Italie on a les armoires) 🙂 L’accompagnement interculturel m’a beaucoup aidé, je ne peux que confirmer et renforcer ce que vous avez écrit. Merci !
    Sara

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