Expatriation, arrivée dans une nouvelle culture et observation

Que se passe-t-il concrètement dans la vie d’un nouvel expatrié ?

La réflexion que je propose aujourd’hui considère le nécessaire décryptage de nos présupposés interculturels pour mieux faire face à la réalité de l’expatriation. Nos présupposés interculturels sont toutes nos idées préconçues et nos opinions, qui vont justement se heurter à la réalité de notre culture d’accueil. Qu’est-ce qui fait que nous nous sentons parfois mal à l’aise ? Pourquoi certaines choses nous frustrent ? Pourquoi certaines nous semblent incompréhensibles ? Et que pouvons-nous y faire ? Bref, comment comprendre ce que l’on ressent ? Se poser des questions matérielles avant de partir, c’est très bien et c’est même absolument nécessaire. Mais, mettre le doigt sur ce qui pourrait poser problème (ou qui pose déjà problème) une fois sur place, c’est encore mieux.

Parmi mes propos envers mes étudiants expatriés, figurent souvent des invitations à observer. Et j’insiste beaucoup sur ce point. La compréhension d’une situation d’expatriation passe avant tout par son décryptage. Sans observation, il n’y a pas de décryptage possible. Il me semble nécessaire que tout enseignant confronté à des personnes en situation d’expatriation soit conscient de ce phénomène et offre à ses étudiants des outils pour observer et comprendre leur vie d’expatrié. En effet, nos étudiants peuvent percevoir des choses qu’ils ne soupçonnaient même pas avant, et qui, pour être bien comprises, nécessitent d’avoir un certain regard sur la culture d’accueil. Comme je leur dis souvent, je leur souhaite la bienvenue dans ce monde de découvertes des évidences invisibles, de ces petits riens de la vie et de la communication interculturelles, qui constituent leur expérience et leur ressenti quotidiens maintenant qu’ils sont expatriés.

Quel est le problème à la base ?

Quand on se prépare pour une expatriation, on pense à parer aux premières nécessités comme par exemple, le logement, le travail, l’école. On règle d’autres points logistiques et administratifs, et zou ! Vive l’aventure. Une fois sur place, on essaie de s’installer dans sa nouvelle vie, de prendre ses marques. Et, très souvent, on réalise que l’on ne comprend pas trop ce qui se passe autour de nous, et pas seulement du point de vue linguistique. En changeant de pays, c’est comme si nous n’étions plus sur la même longueur d’onde avec ce qui nous entoure. Bref, on n’est pas dans le bain. Qu’est-ce qui peut bien poser problème ? Et bien ce qui ne va pas, c’est que l’on se trouve dans une situation nouvelle pour : l’interculturel.

En tant qu’expatrié, on navigue entre :

– Notre culture d’origine, dans laquelle on est à l’aise,

– une culture nouvelle et pleine de mystères, celle du pays d’expatriation.

La situation interculturelle crée inévitablement des incompréhensions, car elle confronte différentes façons de penser et de faire. Or, un expatrié tout juste arrivé dans une nouvelle culture ne sait pas quoi faire, comment agir ni à quel moment. Et inversement, il ne comprend pas plus comment les autres vont agir. Et là commence le long voyage de l’expatriation, la véritable découverte de ce que « vivre à l’étranger » veut dire. Non ce n’est pas seulement découvrir de nouveaux lieux et suivre un cours de langue quelques heures par semaine. C’est aussi apprendre comment comprendre une nouvelle culture. Car pour s’intégrer dans une nouvelle culture, il faut agir en accord avec ses règles. Et ces règles, il faut les découvrir, les comprendre et les intégrer.

On ne sait pas, et on ne sait pas qu’on ne sait pas.

Avant d’être expatrié, on a évolué dans notre propre culture, communiqué avec des gens qui avaient les mêmes cadres que nous. Globalement, tout le monde était prévisible pour tout le monde, tout fonctionnait à peu près. Tout était évident car partagé. Quand on faisait référence à quelque chose, tout le monde « voyait » de quoi on parlait, un geste, un mot suffisaient à se comprendre. Mais voilà, dans la plupart des cas, nous n’avons pas appris notre culture, nous l’avons absorbée par observation, nous l’avons progressivement intégrée depuis notre plus jeune âge. Et ce qui nous a été explicitement enseigné, était en général posé comme universel : « on ne fait pas ça », « c’est comme cela qu’il faut faire », « arrête de dire ceci, c’est mal poli ». On peut donc facilement agir (sans même s’en rendre compte), comme si notre culture était universelle. Mais la réalité, c’est qu’elle ne l’est pas, elle est fortement relative.

D’une façon générale, chaque culture possède son mode de fonctionnement. Elle interprète les choses selon un angle qui lui est propre et qui sera différent dans une autre culture. Nous baignons depuis notre naissance dans notre culture et nous évoluons selon ses règles. Notre apprentissage culturel, bien que majoritairement inconscient, nous a formatés. Et toute notre vie, en tant que membre de notre culture, nous réglons nos actions par rapport à ses règles, sans pour autant en avoir conscience. Bien sûr, on sait que dans d’autres cultures, les gens parlent une autre langue, l’architecture est différente, on ne conduit peut-être pas du même côté. Mais on est toujours très loin de soupçonner l’étendue des domaines couverts par la culture. Et le problème qui se pose à un expatrié, c’est qu’en arrivant dans une autre culture, même s’il est conscient de certaines différences, il ne l’est pas de toutes. Et il va au début, fonctionner en appliquant les comportements de sa culture d’origine sur sa culture d’accueil. 

À partir de là, on commence à voir pourquoi un expatrié ne comprend pas vraiment ce qui se passe autour de lui. Et on comprend surtout qu’ il n’a pas les outils pour interpréter les choses correctement. On pourrait même dire qu’il va falloir un temps d’adaptation pour s’approprier cette nouvelle culture. Il faut donc se préparer à une zone de turbulences, le temps d’apprendre les codes de sa culture d’accueil, c’est-à-dire les règles et les façons de faire de cette culture. 

Et ces codes où les trouve-t-on ? Et bien, on peut trouver certaines indications dans des livres, mais la très très grande majorité des interactions en situation culturelle n’est pas codifiée. Bienvenue au pays des mystères de l’interculturel !En situation interculturelle, il ne s’agit pas simplement de pouvoir « parler » aux autres. Il ne s’agit pas simplement de traduire les mots d’une langue dans une autre, mais de prendre en compte tout un univers de comportements et de gestes. Cet univers fonctionne en parallèle aux mots, sans être consciemment reconnu, car il est considéré comme acquis. En changeant de culture, on change d’univers comportemental.

 

Comprendre une autre culture est tout à fait possible. Mais pour pouvoir mieux comprendre sa culture d’accueil, et plus rapidement, tout expatrié aura besoin des bons outils pour pouvoir analyser ce qui lui arrive. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe effectivement des outils simples permettant de réfléchir à ce qui a été intégré en pensant que c’était « normal », « comme cela » et qui, au final, sera peut-être à relativiser. À partir de là, un expatrié dispose de tout le nécessaire pour construire son guide d’expatriation, celui spécialement adapté à sa situation. Il aura réussi à construire une compréhension de ce que veut dire être expatrié, vivre à l’étranger. Cette connaissance le rendra plus autonome.

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