Maîrtisez les subtilités de la langue : dire à quelqu’un qu’il n’a pas fait quelque chose

Il y a quelques jours de cela, alors que j’échangeais avec une étudiante, nous avons évoqué des documents qu’elle aurait dû m’envoyer, mais qu’elle avait oublié de m’envoyer. J’ai décidé de lui rappeler cet oubli afin d’obtenir ces documents et pour ce faire, je lui ai dit que « je ne pensais pas qu’elle m’ait envoyé ces documents ». En m’entendant dire cela, j’ai eu conscience d’avoir choisi d’employer la forme « je ne pense pas que », alors que j’aurais très bien pu lui dire « je pense que vous ne m’avez pas envoyé ces documents ».

Alors, que s’est-il passé ? Quel message ai-je voulu lui transmettre et pourquoi ai-je choisi d’avoir recours à la forme « je ne pense pas que » plutôt qu’à sa version affirmative « je pense que » ?

Eh bien, j’ai tout simplement joué la carte de la diplomatie 🙂 Je m’explique.

Je savais très bien que cette étudiante avait oublié de me transmettre les documents en question car nous en avions discuté une semaine auparavant et depuis, plus rien de sa part. Je sais également qu’il s’agit d’une étudiante très sérieuse qui honore toujours nos rendez-vous et mes demandes de documents complémentaires. Je sais qu’elle étudie sérieusement et régulièrement, et je sais également qu’elle travaille en plus de ses études afin de pouvoir les financer. Partant de ce constat, la non transmission des documents était un simple oubli et non une absence de travail (paresse).

J’ai donc voulu lui redemander de me transmettre les documents en question, mais sans pour autant être trop sévère ou coupante dans ma demande. Il s’agissait tout simplement d’un « gentil rappel ». C’est la raison pour laquelle j’ai délibérément choisi la formulation en « je ne pense pas que » + subjonctif.

L’emploi de la négation et du subjonctif laisse planer un doute, je n’affirme rien, j’émets un doute. J’énonce quelque chose et je laisse une marge de manoeuvre suffisamment importante pour préserver la face de mon interlocuteur. En disant « je ne pense pas que », je laisse la possibilité à l’autre personne de me répondre « mais si, je vous les ai envoyés » ou « ah ! Non, je ne les ai effectivement pas envoyés ». Avec cette tournure, je ne me pose pas en personne détentrice d’une certitude, je reste dans le dialogue et le respect, un échange co-construit dans lequel je n’occupe pas de position hiérarchique haute ou accusatrice.

Voici une échelle de progression d’intentions de communication

  • Vous ne m’avez pas envoyé les documents : ton de reproche, verdict sans appel, constat qui induit une punition ou une réparation rapide.
  • Je sais que vous ne m’avez pas envoyé les documents : ton tranchant et accusateur en réponse à une défense ou une dénégation.
  • Je suis sûr(e) que vous ne m’avez pas envoyé les documents : idem.
  • Je pense que vous ne m’avez pas envoyé les documents : je montre que je sais, mais j’atténue ma proposition en utilisant « je pense » au lieu de « je sais » ou « je suis sûr ».
  • Je ne pense pas que vous m’ayez envoyé les documents : je laisse planer le doute, je me mets en retrait et je montre à mon interlocuteur que je suis dans le dialogue et que je ne veux pas mettre sa face en péril.
  • Je ne crois pas que vous m’ayez envoyé les documens : idem
  • Je doute que vous m’ayez envoyé les documents : je montre que, selon moi, mon interlocuteur ne m’a pas envoyé les documents, mais je décide d’avoir des propos plus atténués que « je sais que », même si dans le fond, le message envoyé est le même que « je sais que vous ne m’avez pas envoyé les documents ».
  • Je ne doute pas que vous m’ayez envoyé les documents : je me mets en position hiérarchique basse en signifiant que c’est moi qui ait probablement perdu ou oublié de prendre connaissance des documents et non mon interlocuteur qui aurait oublié de me les envoyer.

Je vous souhaite une excellente semaine,

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