Expatriation et apprentissage de la langue du pays d’accueil : comment préserver le statut d’adulte de nos apprenants ?

Lorsque j’ai commencé à enseigner le français langue étrangère à des expatriés, j’avais été largement formée à la pédagogie, l’analyse des interactions, la conduite de classe et bien d’autres choses encore. Mais pas à tout !

Les faiblesses de la formation des enseignants de langue

Malheureusement, mes enseignants, comme beaucoup d’universitaires, n’avaient jamais réellement mis les pieds dans une classe. Ce que je veux dire par là, c’est qu’ils enseignaient la pédagogie à partir de corpus analysés dans le calme de leur bureau. Ils n’avaient pas de pratique de terrain en Alliance française, à l’étranger, dans des écoles, dans des instituts de langues. Ils avaient posé leur micro pour enregistrer leur corpus et fait des observations dans une classe d’enseignement du français à l’université. Dans le calme universitaire, en vase clos avec des étudiants triés sur le volet, qui voulaient tous apprendre le français. Et c’est à partir de ces corpus, qu’ils construisaient leurs cours et formaient les futures générations d’enseignants de français langue étrangère.

Dont moi 🙂

Les faiblesses de la pratique des enseignants de langue

Je me souviens qu’au début de ma carrière de « prof de FLE », mes étudiants (des expatriés qui devaient apprendre le français pour naviguer dans leur nouvelle vie), me disaient souvent qu’ils se sentaient « comme des petits enfants de 4 ans ».

Sur le coup, je n’avais pas compris ce qu’ils essayaient de me dire et je restais assez imperméable à leurs propos. Jusqu’au jour où, j’ai moi-même expérimenté une expatriation avec apprentissage de la langue (au Japon). Et je me souviens très clairement me dire que, oui, je me sentais comme une petite fille de 4 ans qui n’arrivait pas à exprimer ses idées, ne pouvait pas faire une phrase complète et était dépossédée de son statut d’adulte.

Je ne pouvais pas m’exprimer à la hauteur de mes idées, j’étais contrainte à un « retour à l’école » qui ne m’enchantait guère, je devais me plier à des horaires, des devoirs, des exercices (que je n’avais jamais le temps ni l’envie de faire). Bref, dans mon cas comme dans bien d’autres, quand « expatriation » rime avec « retour à l’école », ce n’est pas toujours très enthousiasmant, ni gratifiant.

En tant qu’enseignante de français, cette expérience m’a été très bénéfique. J’ai pu expérimenter ce que mes étudiants ressentaient. J’ai alors compris quels sont les dangers d’une remise en situation d’apprentissage d’un expatrié, qui serait faite sans prendre en compte :

  • Son statut d’adulte déjà formé dans un autre domaine qu’en langue française
  • La perte d’autonomie induite par une incapacité à s’exprimer en langue étrangère
  • La frustration consécutive à un choc interculturel
  • L’aspect parfois subi de cette expatriation

Rendre les apprenants autonomes

L’un des aspects importants de la mission d’un enseignant de langue étrangère, face à des adultes expatriés, est de leur donner un maximum d’autonomie.

Ce serait commettre une erreur fondamentale que de penser qu’en tant qu’enseignant, la prochaine heure, parce qu’elle est une heure de cours, nous appartient. Absolument pas, au contraire, ce genre d’attitude pédagogiquement rigide serait plutôt la recette de l’échec.

Un expatrié n’est pas un apprenant comme les autres :

  • Il n’est pas en formation initiale
  • Il n’est pas en cours par amour de la langue à apprendre
  • Il a une vie déjà bien remplie avec des responsabilités
  • L’apprentissage de la langue se rajoute « à tout le reste », il est donc fragile et peut décrocher.

De ce fait, le rôle d’un enseignant face à un adulte expatrié, est réellement de créer un cocon dans lequel ce dernier se sentira écouté, compris, en sécurité dans son apprentissage et valorisé en tant qu’adulte.

Des facteurs d’autonomisation variés

Rendre de son autonomie à notre apprenant revient tout simplement à reconsidérer une partie du contrat pédagogique qui s’instaure tacitement dans toute relation enseignant-apprenant traditionnelle :

  • L’enseignant occupe la position haute
  • Il dirige les interactions
  • Il a la connaissance du déroulement du cours
  • Il donne le rythme d’apprentissage
  • Il gère la distribution de la parole
  • Il distribue le travail, les récompenses et les sanctions

Or, en tant qu’enseignant, lorsque l’on est face à un adulte expatrié remis en situation d’apprentissage, si l’on se donne la peine de reconsidérer les points que je viens de citer, dans l’optique de rendre un peu d’autonomie à ce dernier, on peut assez facilement trouver quelques leviers que l’on se sent capable d’actionner.

Attention, je ne vous dis pas qu’un enseignant doit se mettre en danger en transformant ses cours en joyeux bazar sans limites. Ce n’est pas mon propos. Ce que je dis, c’est que dans ces situations pédagogiques, vous êtes face à un adulte responsable qui comprend très bien quel intérêt il aurait à progresser en langue. Trouver un compromis n’est donc pas insurmontable, encore faut-il que l’enseignant laisse entrevoir cette perspective.

Je reviendrai sur ce point, mais je vous invite déjà à réfléchir à ce que vous pourriez appliquer dans vos cours.

  • Laisser plus de flexibilité dans les temps de parole ?
  • Laisser plus de spontanéité dans les prises de parole ?
  • Réellement connaître les centres d’intérêt de l’apprenant afin de pouvoir les intégrer au cours.
  • Essayer de « lire » les baisses de motivation
  • Comprendre le style d’apprentissage de votre étudiant
  • Laisser entrer de son quotidien dans le cours : question interculturelle hors sujet, nécessité de vocabulaire spécifique pour faire face à un imprévu

Toutes ces démarches font souvent peur aux enseignants, nous redoutons de « laisser partir » notre cours dans tous les sens, perdre de notre autorité, perdre le fil du cours, ne pas suivre notre belle progression pédagogique. Mais en réalité, si l’on y réfléchit bien, ces moments sont surtout des moments où l’humain rentre dans le cours de langue. Pendant un moment, vous faites tomber les masques, vous échangez sur des sujets bien plus « authentiques » pour l’apprenant. Et si vous, en tant qu’enseignant, arrivez à vous faire confiance et à lâcher prise, vous pourrez y trouver une foule d’informations, de l’inspiration et des ressources.

Bon travail et à très bientôt 🙂

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Ces cours sont également des lieux dans lesquels les urgences linguistiques consécutives à toute vie en expatriation sont les bienvenues. Le but de ces cours est d’aider chaque apprenant à bien vivre son expatriation en France, comprendre la culture, la société et les personnes qui l’entourent, tout en apprenant le français à un rythme qui lui convient.

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